Rivière aux chutes insolentes, ailleurs torpeur aux berges alanguies: un coche d’eau songeur dérive vers Gourjade… Au Jardin du Mail des nénuphars sourient. Je tiens la main de ma grand-mère…
Au loin, promesse de sapins et de mousses: en Montagne Noire, les bleus ont un parfum de Vosges des Suds. Maquis, Harkis, l’Histoire en cœur battant fait du Tarn un bastion.
Au marché on bade, on rit, on parle fort. Les poumpets au citron défient les melsats au gras des dimanches. Jaurès veille son monde, commandeur tutélaire d’un peuple farouche et fier.
Tisserands et pastels racontent leurs antans. En venelles timides imaginer des Huguenots murmurant un psaume… Au musée, Goya voit en Castres une flamboyante Madrilène.
Berceau des ancêtres au Payssel, fief de lignées paysannes ne sachant signer en vallées chantantes du Sidobre. Maison natale de mon père emplie de clichés sépia… Revenir souvent marcher à Saint-Hyppolite, humer encore miel gouleyant de papi et oreillettes de mamie. Leurs mains calleuses emplies de tendresse.
Parisienne, tu fais ta coquette avec tes buis taillés par Le Nôtre au Jardin de l’Évêché… Et puis Lutèce, tu la regardes du haut de ton Bouclier de Brennus! Plus sauvage qu’Albi la Rouge, tu fais déjà route vers la mer. Antichambre des garrigues, des méandres aux thyms fous filent vers les sables.
Sous le pont Miredames coule l’Agout, ses verts en frondaison marine… Castres, on dit de toi « Petite Venise », mais tes maisons comme autant de nefs sur l’eau reflètent un cœur immense.
Une conférence pour changer le monde, un sommet de la terre, et quelques poèmes pour en dire la beauté primitive et essentielle.
Mais aussi et surtout les blessures infligées par l’Homme, devenues ouragans et tornades, tempêtes et tsunamis, incendies, explosions nucléaires et dévastations…
Il n’est jamais trop tard. Martin Luther disait qu’à la veille de la fin du monde il planterait néanmoins un pommier en son jardin. Agissons ! Ensemble, nous serons.
Chants tutélaires des tribus rassemblées
Longtemps, ils s’étaient couchés de
bonne heure, quand barrissaient
bêtes des forêts
émeraude. Puis vint
le feu.
Liberté adoubée aux grottes,
bisons et sanguines.
Au ventre rond
des femmes, l’Humanité
s’éveille.
Chants tutélaires des tribus rassemblées.
Le jazz est mort
Bayou balayé. Des eaux fourbes serpentent
en chantant. La vague déchire
alligators éventrés avant de
déguster la Ville.
Scarlett inachevée pleure sa Louisiane
noyée. Le jazz est
mort. Ouragan mélomane,
et chimie dans les
ports.
Et l’Arctique frissonne
Vois le trou rougi ! Tu te
penches, mais nul phoque n’y meurt. Ta banquise
a fondu
et l’Arctique frissonne.
Alcools, rennes perdus des innocences, les igloos
te regardent, eskimo boréal qui
boit au lait d’un Cercle devenu fou.
La Canopée, cantatrice chauve
Le fleuve lisse avale les lianes
des mémoires.
Orpailleurs vilipendent les terres
calcinées, la Canopée, cantatrice chauve,
surplombe les silences.
Un hamac balance ta tristesse
aux seins lourds.
Vie poisseuse au vert émeraude des temps
enfuis.
Sur des haïkus déserts
Delta et source
en un même
chagrin. Yeux vides
des mères. La vague a laissé cerfs-volants
aux branches énuclées.
Saumâtres, les âmes
mortes geignent au Tsunami.
La fleur de cerisier flotte, seule,
sur des haïkus déserts.
Dans les bouleaux déchus
Des sapins au corps tordu se convulsent
de haine. Silence des écureuils.
Sibérie des silos esseulés,
légumes dégénérés, enfants nés sans
tête.
La Centrale perle ses eaux mortes en
neige avariée.
Les femmes n’engendrent plus que ce vent obscène
venu pleurer dans
les bouleaux
déchus.
Le bush se contorsionne
Flammes, feux-follets des enfers,
le bush se contorsionne.
Un diable de Tasmanie se consume, des kangourous
fondus, fumerolles funestes,
fuient Lucifer.
Soleil darde sa mort, peaux
laiteuses des surfeurs, bientôt parcheminées
de scories
cancéreuses. L’arborigène
pleure, la terre rouge plie.
En Vendée orpheline
Lucioles au marais, feux-follets
comme un phare. Pré salé des
roses trémières,
Ré, ta blancheur.
La tempête a gonflé les maisons
apeurées. Enfançons
surpris hurlent en eau saumâtre.
En Vendée orpheline, un vieux Chouan
a pleuré.
Ces vers en peupleraie
Farandoles des tribus,
guirlande de
peuplades, comme accrochées à l’arc-en-ciel
des temps.
Terre, alma mater souillée de nos
violences, ton climat
derviche tourneur,
comme en vengeance.
Toujours je dirai
tes beautés, hommage aux
ancêtres innocents.
Granit des souvenances, ces vers
en peupleraie, au halo des lumières.
D’autres textes, consacrés aux peuples anciens, aux tribus disparues ou dévastées, parsèment encore ce recueil que vous trouverez sur Amazon et qui cherche un éditeur…
« Paru à l’occasion de la Journée de la Terre, le recueil de poésies de Sabine Aussenac est une offrande à la mémoire des hommes et de leur planète qui agonise. Dans une langue épurée, l’auteur évoque ces tribus disparues, mais aussi les cicatrices que la Nature exacerbée inflige à notre humanité à la dérive. Entre allégresse solaire et déserts erratiques, ces chants tutélaires des tribus rassemblées résonneront à vos cœurs comme un tambour des retrouvailles. »
J’aurais tellement rêvé de vivre simplement En grande terre battue par les vents Mère nourricière et femme souvent Aimée aimante pleine d’allant Une vie calme ponctuée de matins De certitudes en lendemains Horloge comtoise ami ricoré Tout semblerait publicité Rien n’irait jamais de travers Même le bonheur serait offert Les ritournelles seraient si belles Mais j’aime trop les hirondelles…
Ma vie déteste les heures creuses Mes trains ont toujours du retard Que je sois baronne ou bien gueuse Mes maris ne sont que des soudards Et je m’en vais au fil des rêves Boitillante et éclopée Ma lampe n’éclaire que les mystères Je déteste médiocrité Encore perdu pantoufle de vair Cendrillon va se rhabiller Elle ne commet que des impairs Je n’aime pas les contes de fées…
Ah si j’étais une autre Je vivrais en pavillon Ferais mon pain en farine d’épeautre Et serais moins papillon Mes enfants blonds seraient très sages Mon banquier serait un ami Ma vie ne ferait pas naufrage Le bonheur pas éternel pari Moi j’aime trop le chocolat Vivre rire manger aimer Forcément j’ai parfois la tête en bas À force de tout retourner…
Garder les yeux ouverts Ne jamais toucher terre Ne jamais renoncer Toujours folies garder Tu t’en souviendras bien De ne pas t’immoler Sur l’autel des médiocres Et des compromissions Je te veux révolté jusqu’à ton dernier souffle Je te veux passionné et toujours des plus beaux Tu ne t’occiras point en vile pacotille Tu ne resteras pas au carrefour des gris Toujours tu hanteras le cœur de mille filles Je te veux fier et fort et toujours dans ma vie Garder tes yeux ouverts Voir le beau et la terre Aimer l’art la passion Les amours les maisons Et reconstruire encore Même après les tempêtes Pour savoir redresser et ton âme et la tête Hauts les cœurs mon amour Je serai là toujours Garder les yeux ouverts Ne pas baisser les bras Savoir que la lumière luit tout au fond des bois Te faire feu follet Et luciole aiguisée Hanter les nuits toujours mais savoir éveiller Des aubes aux crépuscules tous nos sens à aimer Tu resteras celui qui veille et qui attise Les feux dans l’âtre tendre malgré tourments et bises Garder nos yeux ouverts Nous comprendre sans voix Etre là à l’instant traverser les immenses Ne jamais se quitter se haïr se fêler Nous serons immortels comme neige au sommet Nos tendresses infinies nous vaudront mille transes Garder les yeux ouverts Etre celui qui lutte Ne pas se contenter de palais ou de hutte Faire ce long chemin Avancer Découvrir Ne jamais vivre au coin d’un feu inachevé Battre tant de campagnes Que l’esprit devient fou Nos châteaux en Espagne N’appartiendront qu’à nous Nous garder des malheurs Toujours aimer la peur Savoir que l’étincelle Est ce qui nous distille Je serai l’ambroisie de tes soirs enivrés Et tu te feras miel au coin de bouche tendre Je le dis je le hurle A ceux qui veulent entendre Aimons nous Soyons fous Regardons nous Voyons nous Ne faiblis non jamais Ne deviens pas médiocre Ne te compromets pas Reste le loup des steppes Et garde au loin la horde Des faibles et des gueux Qui sèment les discordes Que l’amour soit ton guide Que la vie te soit force Gardons les yeux ouverts Aimons nous en lumière Que ça brûle en plein jour Que l’infinie tendresse Nous soit incandescence Regardons nos soleils Brûlons nos ailes immenses Je nous veux en Icare Toujours recommencés Soyons ceux qui éveillent Soyons monts et merveilles
Voilà l’ultime solitude Celle en unique complétude Ma main si seule en sable fin Fait frissonner les siècles éteints Mes doigts fusionnent en tamis tendre Tous les micas coquilles et cendres J’ai préféré robinsonnade A nos intimes mascarades Courant à cru dans la rosée Comme au couchant de mes pensées La tentation de la lumière Je vis en garde-barrière Mes rêves autant de garde-fous L’espoir se tient au garde à vous J’avais pensé baisser ma garde Mais les passés me rendent hagarde Ne plus oser faire confiance Vivre en intenses paix immenses Au creux d’un monde en résonance Comme en parfum couleur jonquille J’ai fait rouler toutes mes billes Demeure seule mais bien debout Courir un soir d’été bruissant En parc anglais tout frémissant Respirer comme une hirondelle Sentir arbustes et mirabelles Besoin de rien envie de moi Ne plus jamais craindre le froid Si je suis bien avec moi-même Mort assurée des matins blêmes Lilas me vaut mille caresses Grillons me sont mes allégresses Venez à moi toutes cigales Je pars nager en mer d’opale Seule et solide séquoia Un mot écrit m’est siècles en toi Ne plus souffrir ne plus aimer La voilà donc la liberté Ne plus attendre ce train qui passe Jeter les soupes à la grimace Je bois en juive quand ça me chante Nul ne me dictera tourmentes Des aubes roses aux tourterelles M’en vais guérir des écrouelles Quant à ce roi longtemps promis Qu’il soit patient s’il est ami.