J’aurais tellement rêvé de vivre simplement En grande terre battue par les vents Mère nourricière et femme souvent Aimée aimante pleine d’allant Une vie calme ponctuée de matins De certitudes en lendemains Horloge comtoise ami ricoré Tout semblerait publicité Rien n’irait jamais de travers Même le bonheur serait offert Les ritournelles seraient si belles Mais j’aime trop les hirondelles…
Ma vie déteste les heures creuses Mes trains ont toujours du retard Que je sois baronne ou bien gueuse Mes maris ne sont que des soudards Et je m’en vais au fil des rêves Boitillante et éclopée Ma lampe n’éclaire que les mystères Je déteste médiocrité Encore perdu pantoufle de vair Cendrillon va se rhabiller Elle ne commet que des impairs Je n’aime pas les contes de fées…
Ah si j’étais une autre Je vivrais en pavillon Ferais mon pain en farine d’épeautre Et serais moins papillon Mes enfants blonds seraient très sages Mon banquier serait un ami Ma vie ne ferait pas naufrage Le bonheur pas éternel pari Moi j’aime trop le chocolat Vivre rire manger aimer Forcément j’ai parfois la tête en bas À force de tout retourner…
Voilà l’ultime solitude Celle en unique complétude Ma main si seule en sable fin Fait frissonner les siècles éteints Mes doigts fusionnent en tamis tendre Tous les micas coquilles et cendres J’ai préféré robinsonnade A nos intimes mascarades Courant à cru dans la rosée Comme au couchant de mes pensées La tentation de la lumière Je vis en garde-barrière Mes rêves autant de garde-fous L’espoir se tient au garde à vous J’avais pensé baisser ma garde Mais les passés me rendent hagarde Ne plus oser faire confiance Vivre en intenses paix immenses Au creux d’un monde en résonance Comme en parfum couleur jonquille J’ai fait rouler toutes mes billes Demeure seule mais bien debout Courir un soir d’été bruissant En parc anglais tout frémissant Respirer comme une hirondelle Sentir arbustes et mirabelles Besoin de rien envie de moi Ne plus jamais craindre le froid Si je suis bien avec moi-même Mort assurée des matins blêmes Lilas me vaut mille caresses Grillons me sont mes allégresses Venez à moi toutes cigales Je pars nager en mer d’opale Seule et solide séquoia Un mot écrit m’est siècles en toi Ne plus souffrir ne plus aimer La voilà donc la liberté Ne plus attendre ce train qui passe Jeter les soupes à la grimace Je bois en juive quand ça me chante Nul ne me dictera tourmentes Des aubes roses aux tourterelles M’en vais guérir des écrouelles Quant à ce roi longtemps promis Qu’il soit patient s’il est ami.