Née en 1961, je suis professeur agrégée d’allemand.
J’ai retrouvé le goût des mots en 2008. Romancière, poétesse, novelliste et blogueuse au Huffington Post et au Monde, j’ai remporté de nombreux prix de nouvelles et de poésie en France et en Allemagne (j’écris aussi en allemand). À Toulouse, je suis membre du cercle littéraire de l’ICT.
Très engagée dans le vivre-ensemble et les droits des femmes, je couvre aussi des festivals pour mon blog et ai interviewé de nombreuses personnalités du monde de la culture.
En 2005, j’ai soutenu un mémoire de DEA autour de la poésie de la Shoah. Je précise que je ne SUIS PAS membre du site « Riposte laïque », qui utilise mon nom en mettant en ligne l’un de mes premiers textes consacré aux femmes et aux cités, texte qui prônait justement le vivre-ensemble!
http://www.sabineaussenac.com
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Un souffle ténu, murmure léger comme une plume. Des heures, des jours, aussi longs qu’un hiver. Du silence, des nuits, aussi noirs que la terre. L’innocence tendre utérus de la survivance, le nourrisson une biche apaisée dans la forêt du chaos.
Deux yeux, sombres soleils sous les décombres. Toute une chaine salvatrice. Oubliés, guerre et ennemis. Le monde entier se fige devant les écrans:
Un chien aboie, comme fou, des hommes pleurent, on Le loue, des femmes crient. Lourdes pierres, soudain trouée, clairière, vie: naissance en poussière, miracle d’une unique résurrection.
Là où étaient cris de guerre règne la grâce. Une incantation jaillit de toutes les espérances, qui dit à nouveau son sens véritable : Allāhu akbar“ , ٱللَّٰهُ أَكْبَرُ.
Rivière aux chutes insolentes, ailleurs torpeur aux berges alanguies: un coche d’eau songeur dérive vers Gourjade… Au Jardin du Mail des nénuphars sourient. Je tiens la main de ma grand-mère…
Au loin, promesse de sapins et de mousses: en Montagne Noire, les bleus ont un parfum de Vosges des Suds. Maquis, Harkis, l’Histoire en cœur battant fait du Tarn un bastion.
Au marché on bade, on rit, on parle fort. Les poumpets au citron défient les melsats au gras des dimanches. Jaurès veille son monde, commandeur tutélaire d’un peuple farouche et fier.
Tisserands et pastels racontent leurs antans. En venelles timides imaginer des Huguenots murmurant un psaume… Au musée, Goya voit en Castres une flamboyante Madrilène.
Berceau des ancêtres au Payssel, fief de lignées paysannes ne sachant signer en vallées chantantes du Sidobre. Maison natale de mon père emplie de clichés sépia… Revenir souvent marcher à Saint-Hyppolite, humer encore miel gouleyant de papi et oreillettes de mamie. Leurs mains calleuses emplies de tendresse.
Parisienne, tu fais ta coquette avec tes buis taillés par Le Nôtre au Jardin de l’Évêché… Et puis Lutèce, tu la regardes du haut de ton Bouclier de Brennus! Plus sauvage qu’Albi la Rouge, tu fais déjà route vers la mer. Antichambre des garrigues, des méandres aux thyms fous filent vers les sables.
Sous le pont Miredames coule l’Agout, ses verts en frondaison marine… Castres, on dit de toi « Petite Venise », mais tes maisons comme autant de nefs sur l’eau reflètent un cœur immense.
Vous aussi, vous avez entendu cette histoire de Fête des mères qui serait remplacée par une « fête des gens qu’on aime » ?
Vomir. Vomir encore. Encore vomir. Se sentir nauséeuse du matin au soir, parfois durant neuf mois. Et pleurer, souvent.
Certes, on a soudain une poitrine XXL et une peau de bébé (tiens donc !). Mais pour une envie de fraise, combien de nausées ?
Là, je trouve qu’on touche le fond de l’ultra-wokisme. Bon, déjà, ce matin, sur un réseau social, j’ai eu le malheur de traiter un VIP, directeur d’un beau musée toulousain, de pisse-vinaigre car il faisait allusion à Pétain… Bloquée illico par le contempteur de colliers de nouilles (d’accord, je l’ai cherché, car je lui demandé si on ne devrait pas annuler la « Fête des Voisins » car ceux d’Anne Frank l’avait dénoncée…), je persiste néanmoins dans ma colère face à cette nouvelle tendance qui tend à gommer le genre et à brouiller les codes.
La douleur est si forte. Insupportable. Inimaginable. Incontrôlable, et pourtant on a ahané sur l’air du petit chien et appris à s’auto masser le ventre.
On est habituées, pourtant, surtout quand on souffre d’endométriose ou de simples règles douloureuses. Voilà des années qu’une fois par mois on la rencontre, cette douleur. Et soudain elle est là, potentialisée au centuple.
Hurler, blêmir, croire qu’on va mourir.
Et puis la délivrance si bien nommée : et l’enfant paraît. Et tout est oublié -puisque l’on va, souvent, recommencer…
Incroyable rencontre d’une vie portée et soudain au creux de nos mains. Ce premier souffle de notre nouveau-né, ce peau à peau : le miracle.
Déjà, je suis fatiguée des sempiternelles allusions françaises à cette fête qui serait pétainiste. Non, elle a été inventée par une Américaine et est fêtée dans le monde entier. Cessons un peu ce nombrilisme historique qui gâche l’enthousiasme de millions de petits bouts si fiers de leur tortue en pâte à sel ! Certes, c’est vrai, le Maréchal, qui faisait tout comme oncle Adolf, a trouvé malin de glorifier les mères dans cette optique KKK qui faisait fureur outre-Rhin (désolée c’est les nerfs… ) – Pour ceux qui ne le sauraient pas, KKK signifie, dans l’ordre que vous voudrez, « Kîrche, Küche, Kinder », et ce ne sont pas les Talibans qui contrediront cette belle formule : Église, cuisine, enfants.
Les pleurs, des heures, des nuits durant! Ne plus savoir quoi faire. On a allaité, ou donné le biberon, câliné, changé, dorloté, porté, promené, mis sur le ventre sur notre main et avant-bras, bercé.
Les pleurs, des heures, des nuits durant. Hagarde, on se lève, on tâtonne, on a peur que bébé s’étouffe à force de s’égosiller. Si on a repris le travail, on se sent comme dans du coton, hors de notre corps, dans cet état entre veille et sommeil.
Heureusement, la joie est là, à chaque heure : premier échange de regard, premier doigt serré, premier sourire. Quelle beauté ! Comment imaginer que cette petite merveille est passée de graine à enfant ?
Mais nous sommes en 2022. Cela fait longtemps que les Françaises sont sorties des fourneaux et qu’elles ne ressemblent plus vraiment à des desperate housewifes… Les Allemandes aussi, d’ailleurs, qui ont enfin gagné le droit de travailler et de ne pas se consacrer exclusivement à leur têtes blondes, même si cela a été un peu plus compliqué qu’en France.
Par contre, ce qui ne passe pas, cette année, c’est cette histoire de fête des gens qu’on aime. Parce qu’une maman, ce n’est pas « simplement » une personne que l’on aime. C’est le début, l’alma mater, l’alpha et l’omega. C’est l’être qui a porté, nourri, de l’intérieur, puis de l’extérieur, qui a couvé de longs mois durant cette vie en devenir, avant de s’en séparer dans de terribles souffrance et d’accueillir cette mise au monde unique et toujours renouvelée. Et dans le cas d’une maman qui a adopté, c’est l’être qui s’est battu des années durant pour faire aboutir un projet, puis qui est parfois allé au bout du monde pour se rendre à la rencontre de cet enfant si désiré, avant de l’aimer avec autant de force que si ce petit avait été chair de sa chair…
Les premières fièvres sont épouvantables. On croit que notre enfant ne passera pas la nuit. Combien d’heures, de cette première rhino ou varicelle à cette appendicite de notre ado, de cette première chute depuis une balançoire jusqu’à cet accident de scoot, passées à veiller, à angoisser, à arpenter des couloirs d’hôpitaux au gré des diverses maladies ou blessures, à composer le 15, à courir à la pharmacie de garde ? Combien de draps changés lors des gastros, de genoux écorchés pansés, de dolipranes remués, de thermomètres désinfectés, de livres d’homéo dévorés, de tisanes filtrées ?
Quand tout va bien, c’est merveilleux. Voir l’étincelle de complicité illuminer le regard d’un enfant heureux ne ressemble à rien d’autre. Toute mère ressent cette étrange crampe de fierté au creux du ventre quand elle assiste à une scène particulièrement émouvante, comme un concert de flûte lors d’une fête de fin d’année -et aussi cette même crampe en voyant son enfant tomber ou se cogner, crampe qui devient boyau serré et qui nous coupe la respiration…
Une maman, ce n’est PAS un papa. N’en déplaise aux mélangeurs de sexes qui voudraient gommer toutes nos différences, une maman est cette créature dotée d’un utérus où grandira bébé et de seins qui souvent le nourriront. Différence toute bête, animale, primitive, simple : la NATURE a fait que ce sont, jusqu’à preuve du contraire, les femmes qui portent les enfants… Lorsqu’il nait, il paraît que bébé est capable de reconnaître la voix et l’odeur de sa mère entre mille… Loin de moi l’idée de nier le rôle fondateur et fondamental des pères, sans lesquels rien ne serait possible. Si le papa a été présent lors de la grossesse, le petit d’homme va aussi reconnaître la voix grave qui lui aura parlé, et se blottira tout aussi tendrement contre le torse de son géniteur.
Une maman, ce n’est pas n’importe qui. Parce que des « gens qu’on aime », il y en a toute une kyrielle ! De la tatie gâteau à la mamie fofolle, du papi moustache à la cousine de Marseille, et puis nos copains, et puis nos voisins, et puis nos maîtresses, nos profs… Qu’est-ce-que c’est que cette manie de vouloir tout mélanger, tout mixer, comme dans une bouillasse informe, dans un marron qui aurait oublié le vermillon et l’azur et jusqu’à l’arc-en-ciel ?
Les devoirs. Des heures qui, mises à la queue leu leu, feraient le tour de la terre… Des heures passées à expliquer, avec plus ou moins de patience, comment faire les boucles du « m » ou comment résoudre une équation… Et les fournitures ! Ces heures durant lesquelles on erre, échevelées, à la recherche du cahier A4 400 pages grands carreaux, avant de passer une nuit blanche pour couvrir les livres… Et les réunions de parents, ces heures sombres où, tapies sur une petite chaise dans un couloir gris, on serre les fesses avant l’admonestation du prof de techno… Et les fêtes de fin d’années, ces après-midis où, sous un soleil de plomb, on assiste, imperturbables, au défilé des enfants des autres (dont on a un peu rien à cirer) avant de hurler de joie et d’applaudir à tout rompre quand notre progéniture nous danse un quadrille…
Ces premières fois qui se répètent… Première rentrée en maternelle, avec Petit Ours Brun sur la besace ; première rentrée en primaire, fierté et allégresse de couper à pas feutrés le cordon… Premières vacances loin de nous : oser confier, déléguer.
Mais toujours, l’inquiétude.
Laissez-nous la Fête des Mères. Et celle des papas ! Parce qu’il aussi émouvant d’entendre un poème récité par un bambin aux joues roses pour sa « maman chérie » que de le voir se pavaner en disant trois vers pour son « papa adoré » !
Tant de moments me reviennent en mémoire… Les journées à la gloire de ma propre maman, si fière de ses quatre enfants, et nos récitations de Maurice Carême…. Cette fête des mères durant laquelle j’ai annoncé à ma maman que je serai bientôt mère à mon tour… Les dessins pailletés de mes filles, les cartes merveilleusement décorées de mon fils, les câlins du dimanche matin quand nous jouions à « la tente » dans le grand lit, et puis les robes de princesses mises pour l’occasion et nos sorties au restaurant… Un magnifique week-end en Auvergne, un autre à Luchon, et, plus tard, les sms, les appels, les petits paquets…
Les savoir loin. Ne plus être là pour préparer petits-déjeuners et cartables, pour laver le linge. Terminés, les samedis passés à faire les boutiques, les soirées télé, les fous-rires. Les imaginer seuls, malades, en proie à l’adversité.
Apprendre à leur faire confiance. Respecter leurs choix, leurs silences, leurs ruptures.
Mais toujours : les aimer.
Alors je sais que les familles actuelles ne sont plus celles de nos enfances. J’ai moi-même eu des enfants de deux lits différents, et je suis la première à approuver la gay pride et à trouver émouvants ces enfants qui parlent fièrement de leurs « deux mamans » ou « deux papas ». Tout est possible, vive les marches des Fiertés et tous les rêves de filiations diverses.
MAIS : même si l’une de mes filles dit « mes parents » en parlant de son papa et de sa compagne, même si je sais aussi que dans certains peuples l’enfant est élevé par toute une tribu, même si certains affirment que tout est intersexe, je persiste et signe, et, personnellement, les « gens que j’aime » le plus au monde demeurent… mes trois enfants !
On n’a qu’une maman ! Bonne fête donc à toutes les mères du monde !
Portes qui claquent Fou rires et larmes Frigo aussitôt vidé Pleurs au téléphone Et les copains qui sonnent Des heures devant les miroirs Le p’tit top de chez Zara Et tous les gloss d’Yves Rocher Il me faut ABSOLUMENT des bottes Et soudain un piercing à l’arcade Mais où sont passés mes bébés ? Appels entre parents inquiets Et le père d’Octavie il est recasé ? Tu pars à Soulac avec Rosanna ? Tiens, Raphaelle a rappelé C’est vrai qu’elle part à Paris ? Nuit de réveillon très agitée Malibu pastis et toujours nutella Elles sont saoules bien avant le foie gras Attention j’appelle papa ! Mais où sont passés mes bébés ? Des nuits passées au téléphone Disserts faites à 6h du mat Et le stress de la convoc perdue Je m’en fous j’irai pas MSN jamais débranché Salut ça va et toi Je le kiff grave le nouveau pion T’as vu la tronche de ce gros c… ? P…ma mère elle est trop ch… Son nouveau copain j’te raconte pas ! Non c’est pas vrai j’ai jamais fumé Ah oui du sheet mais tout le monde le fait ! Mais où sont passés mes bébés ? Et le beau Paul qui dort sur le canapé Des caleçons dans ma baignoire Tu peux m’acheter la pilule ? J’aimerais aussi des lentilles Mais tout le monde y va à ce concert C’était l’année de terminale De mon aînée qui est partie Quand elle m’a dit le dernier soir Que c’était vraiment le tout dernier repas De sa vie avec moi Je ne voulais même pas le croire On rigolait avec Sonia Et puis même les copines ont changé Madame Pauline et Pierrette j’les connais pas Et puis à Lille il fait bien froid Pourquoi t’es partie comme ça ? Mais où sont passés mes bébés ? Même la cadette elle est partie Faire des bijoux dans le Berry Normal elle a de l’or dans les doigts Sa vie là bas je la rêve parfois Et j’entends encore les portes qui claquent Il faut changer le bac du chat Qui peut descendre les poubelles ? Maman t’as encore déteint mon linge ! Qui a fini le nutella ? Je peux avoir un nouveau forfait ? Il faut que je m’achète Coldplay Mais où sont passés mes bébés ? Heureusement elles vont bien je le sais Mais elles me manquent à chaque instant Malgré les disputes le manque de temps Et tous ces maux ces mots violents Elles sont superbes ce sont mes enfants.
Je porte en moi souvent mille Juifs qui suffoquent, Et tant de matins blancs que déchirent leurs cris. Tous ces appels glacés, ces visages enfuis, C’est comme un souvenir dont tant de gens se moquent.
Ceux qui me disent allons, la Shoah, c’est fini ! Regarde un peu l’Afrique, et tous les naufragés, Et puis tous ces enfants qui sont morts en Syrie, Sans parler de Gaza et de ses sacrifiés…
Mais très obstinément, comme un grand vent de plaine, Je les entends mugir, vociférer leurs haines, Et je les sens souvent, les barbares affamés,
Roder autour de nous qu’ils voient en proies faciles, Car oui le Juif c’est nous, c’est toi, c’est le Fragile : Celui que le Nazi pour toujours veut traquer.
Merci à Pascal Huvet pour la bouleversante lecture de ce texte:
24 April 1937 | A Czech Jewish girl, Eva Neuová, was born in Prague. In #Theresienstadt Ghetto from 17 December 1941. On 18 December 1943 she was deported to #Auschwitz with her parents: Emil and Markéta. None of them survived. (Source: http://auschwitz.org/en/ )
22 April 1932 | A Belgian Jewish girl, Paulette Liliane, Buschel, was born in Antwerp. In 1943 she was deported to #Auschwitz and murdered in a gas chamber. (Source: http://auschwitz.org/en/ )
On dit que les Inuits possèdent des centaines de mots
pour dire
la neige.
Là où notre neige est simple comme
un drap immaculé,
les habitants de l’Arctique ont nommé
l’indicible, le fragile, l’intangible du flocon et
du crissement sous les peaux de phoque.
On dit que la France possède des centaines de libertés
pour dire
les droits de l’homme.
Pourtant, là où la démocratie devrait être lumineuse comme
la fraternité,
nos enfants ne savent plus ressentir ni partager
la blancheur, la candeur des innocences,
perdus
au milieu des incivilités, des insultes, des fanges belliqueuses des puissants ou
des faibles.
Je rêve de ce jour où nous serions tous à nouveau
les enfants de la Terre, goûtant de la langue les flocons
attendus et sachant en allégresse
faire cercle et méridien.
D’autres textes, consacrés aux peuples anciens, aux tribus disparues ou dévastées, parsèment encore ce recueil que vous trouverez sur Amazon et qui cherche un éditeur…
« Paru à l’occasion de la Journée de la Terre, le recueil de poésies de Sabine Aussenac est une offrande à la mémoire des hommes et de leur planète qui agonise. Dans une langue épurée, l’auteur évoque ces tribus disparues, mais aussi les cicatrices que la Nature exacerbée inflige à notre humanité à la dérive. Entre allégresse solaire et déserts erratiques, ces chants tutélaires des tribus rassemblées résonneront à vos cœurs comme un tambour des retrouvailles. »